
Lorsque, par la volonté de quelques élus, consulaires et chercheurs, Centre-Ville en Mouvement (CVM) voit le jour en 2005, peu d’acteurs institutionnels et privés prennent la réelle mesure de la situation et de son aggravation prévisible.
A sa création, de nombreuses collectivités et acteurs du commerce perçoivent Centre-Ville en Mouvement comme une sympathique association dont « on ne sait pas vraiment ce qu’elle défend ».
Et pourtant, il s’agit bien d’une structure associative dont l’objectif est de sensibiliser les acteurs de la ville sur la fragilisation des centres-villes et de partager les bonnes pratiques afin de les revitaliser :
Les effets de la crise de 2008, la hausse de la vacance commerciale des villes moyennes et la baisse de leurs services publics, l’évolution rapide des modes de consommation, la création du programme Action Cœur de Ville et enfin la crise des gilets jaunes de fin 2018, sont autant de facteurs constatés par Objectif Ville et l’ensemble des acteurs spécialisés dans le commerce, légitimant naturellement les actions de Centre-Ville en Mouvement, à la fois par les acteurs de la ville, mais aussi par le grand public.
Quatorze ans plus tard, c’est alors comme une évidence que se réaffirme cette fois la démarche de Centre-Ville en Mouvement, ironiquement jugée trop tardive pour certains.
Considérés comme des « hurluberlus » en 2005, les membres de la structure sont aujourd’hui fortement sollicités et ont vu leur nombre d’adhérents se démultiplier : devenu une véritable plateforme nationale sur les retours d’expérience et sur les innovations dans les pratiques de redynamisation des centres-villes (boite à idées, centre de ressources, actualités des territoires…), Centre-Ville en Mouvement organise chaque année des Assises Nationales du Centre-Ville et un forum sur le développement du Réseau du Centre-Ville Durable et de l’Innovation. Elle anime également en parallèle la délégation Nationale du Management de Centre-ville et participe depuis plus de 7 ans au Salon de la Franchise avec des conférences et débats.
La transformation de l’acte d’achat comme regain d’intérêt pour les centres-villes
Dans la continuité des aspirations du consommateur qui recherche plus de proximité et un supplément d’âme à l’acte marchand, dans la dynamique des actions publiques renforcées de redynamisation de centre-ville, on observe ainsi chez les franchiseurs et les franchisés un regain d’intérêt pour les centres- villes.
C’est donc en toute logique que Centre-Ville en Mouvement a été invité à y participer et à animer des conférences sur les enjeux des centres-villes commerçants en présence de candidats potentiels à la franchise et des franchiseurs. L’édition 2019 s’est ainsi tenue au mois de mars dernier. L’intervention de l’économiste Philippe Moati (co-président de l’Association L’Observatoire Société et Consommation) a suscité l’attention d’Objectif Ville, venu assister à la journée, car s’adressant avant tout à ces candidats, plutôt qu’aux experts du commerce et de l’urbanisme commercial, déjà familiers de la mutation radicale du commerce.

Légitimant ses propos, quelques éléments de contexte doivent avant tout être rappelés.
Alors que la vente physique est remise en cause par la vente numérique, une nouvelle posture doit guider le commerçant : le conseil, l’expérience client/usager et même la formation d’un savoir faire. Le commerce devient progressivement un lieu de vie plus qu’un lieu de vente, tandis que l’offre de précision et de spécialisation visant une clientèle homogène prend de plus en plus le pas sur une offre généraliste visant une clientèle hétérogène. Les consommateurs s’organisent alors en communauté d’intérêts, les commerces devenant des lieux de rencontre des membres de la communauté, jouant un rôle actif dans la logique de vente de la distribution.
Ainsi, la consommation ne traduit plus tellement le besoin de posséder un produit, mais plutôt la réponse à un besoin, par le service ou par la location. Le produit est une source de service pour le commerçant avec un accompagnement du client dans la durée, qui devient acteur à part entière, et dont l’attente et le point décisionnel ne doivent plus être relégués au second plan.
Ces mutations profondes de l’acte d’achat transforment inévitablement le métier de commerçant, impliquant pour les centres-villes d’aller au-delà de l’action publique traditionnelle et même des récentes dispositions phares (programme Action Cœur de Ville, Loi ELAN), ne répondant que partiellement à la problématique : dérogation réglementaire en pratique d’urbanisme commercial, droit de préemption sur les fonds de commerce, changement d’usage de pied d’immeuble, subvention pour la réhabilitation d’immeuble pour remise sur le marché, portage foncier, requalification de l’espace public…
Il s’agit là d’actions dites « hard » portant sur l’immobilier et l’urbain.
Mais alors, qu’en est-il du « soft » ?
Quid de la qualité intrinsèque d’un porteur de projet, de sa vision stratégique du développement de son activité, de sa capacité à animer une communauté, à faire vivre un lieu, à fidéliser une clientèle (une communauté), à renouveler son offre…
Comment faire ce lien entre le hard et le soft ? Est-ce le rôle du manager de centre-ville, qui pourra probablement s’estimer heureux s’il arrive à faire revenir une enseigne de notoriété nationale en centre- ville sans nécessairement aborder ces sujets du « soft » ? Est-ce le rôle des structures d’accompagnement à la création / reprise d’entreprises, qui vont en priorité s’assurer des questions de modèle économique prévisionnel, de financement, de comptabilité et d’étude de marché ?
La demande d’animation dans les villes moyennes est forte et l’aspiration à la proximité, à des centres- villes vivants et faciles d’accès, est clairement formulée.
Les interventions urbaines apporteront des réponses, mais qu’en est-il si, entre temps, les porteurs de projets ne prennent pas le virage inévitable pour devenir des commerçant du 21ème siècle ? Les porteurs de projets talentueux et enthousiastes, ne sont pas l’exclusivité des métropoles régionales dynamiques ou de Paris, mais bien sur le territoire dans son ensemble, Brest, Maubeuge, Mulhouse et ailleurs, attendant patiemment des possibilités de se révéler… encore faut-il les accompagner et les rendre protagonistes de la redynamisation des centres-villes sur notre territoire.
